Muhsin Hendricks, premier imam ouvertement gay au monde, a été brutalement assassiné en Afrique du Sud le samedi 15 février 2025. L’engagement du leader religieux en faveur de la communauté LGBTQ+ et des marginalisés lui a valu autant d’admiration que d’hostilité.
Un héritage religieux et une quête identitaire
Né en 1966 près du Cap, en Afrique du Sud, Muhsin Hendricks grandit dans une famille profondément ancrée dans la tradition musulmane.
Petit-fils d’imam, il reçoit une éducation religieuse stricte et part poursuivre ses études islamiques au Pakistan.
C’est un jeune homme pieux et dévoué, mais il porte en lui un secret douloureux : son attirance pour les hommes, une réalité en contradiction avec l’interprétation dominante de sa foi.
À son retour au Cap, il se marie et fonde une famille, comme l’exige la norme sociale et religieuse.
Mais après six ans de mariage et trois enfants, il prend une décision radicale : ne plus vivre dans le mensonge.
« J’ai divorcé à l’âge de 29 ans, après six ans de mariage. C’est à ce moment-là que je me suis dit : plus de double vie. Je dois être honnête avec moi-même. »
Un pionnier dans la réconciliation entre foi et identité LGBTQ+
En 1996, son coming out public fait l’effet d’un séisme dans la communauté musulmane sud-africaine, majoritairement conservatrice.
Pourtant, loin de renier sa foi, Muhsin Hendricks s’engage dans une relecture progressiste de l’islam, cherchant à concilier spiritualité et identité.
Il fonde alors The Inner Circle, une organisation offrant un espace de soutien aux musulmans LGBTQ+. Il crée aussi une « mosquée ouverte », où toutes et tous sont les bienvenus, sans distinction de genre ou d’orientation sexuelle.
Son enseignement repose sur une théologie qu’il décrit comme celle « d’un Dieu d’amour radical et de justice pour tous ».
« L’islam, dans son essence, est une religion de miséricorde et d’amour. Ce sont les hommes qui ont imposé des lectures rigides et excluantes. »
Un combat sous haute tension
Avec son message inclusif, Muhsin Hendricks devient une figure controversée.
Ses prêches attirent autant de fidèles en quête d’acceptation que de détracteurs, qui le considèrent comme une menace pour l’orthodoxie musulmane.
En 2022, il dénonce une fatwa émise par un groupe religieux sud-africain condamnant l’homosexualité. Il reçoit alors des menaces de mort régulières, mais refuse de se taire.
« Avec la communauté musulmane, c’est une relation d’amour et de haine. Parfois, ils aimeraient me jeter du haut d’une montagne.
D’autres fois, ils apprécient qu’il y ait un imam prêt à travailler avec des personnes qu’ils ne veulent pas accueillir. »
Un assassinat qui choque et inquiète
Le 15 février 2025, Muhsin Hendricks est abattu en plein jour au Cap. Une vidéo montre un véhicule bloquant le sien, avant qu’un homme en sweat noir ne s’approche et ouvre le feu à plusieurs reprises. L’assaillant prend aussitôt la fuite avec son complice.
Son assassinat est un choc pour la communauté LGBTQ+ et pour tous ceux qui luttaient à ses côtés. Le révérend Kruger-Ayebazibwe témoigne :
« Beaucoup d’entre nous se sentent soudainement beaucoup plus vulnérables », soutient-il.
Tristan Sahi
